LES ENFANTS DE VENISE de Luca Di Fulvio



Edition: Slatkine & Cie (2017)

Origine de l'auteur: Italie

Traduction: Françoise Brun

Titre original: La ragazza che toccava il cielo

Genre: Historique, Romance

Nombre de pages: 798











Lu dans le cadre d'une lecture commune avec Minet, vous pouvez retrouver sa critique à la suite de la mienne, ainsi que sur son blog :



" Quand Mercurio s'était jeté dans le canal, Giuditta avait eu la tentation de le retenir. Ou de s'y jeter avec lui. Elle ne voulait pas renoncer à la sensation de sa main dans la sienne. Elle ne voulait pas renoncer à lui. Déjà, les nuits précédentes, dans le chariot, elle avait senti une forte attraction pour les yeux de cet étrange garçon. Qui était-il ?  Il n'était pas prêtre, il le lui avait avoué. Quels mots avait-il dits en sautant du bateau ? Elle se souvenait à peine. Sa tête se faisait légère. " Je te retrouverai", voilà ce qu'il avait dit ".



Luca Di Fulvio m'a encore une fois touché en plein cœur, pour la deuxième fois. Il m’a fait passer du rire aux larmes, de la tension au soulagement parfois en quelques lignes. Ayant découvert sa superbe verve dans Le gang des rêves, j’ai mis le temps avant de me lancer dans la lecture de ses Enfants de Venise. Bien que j’en aie lu que du bien, j’avais très peur de tomber de haut et d’être déçu après avoir été tant emballée par Christmas et sa bande. Il avait mis la barre au plus haut. Et bien je n’avais aucune raison de m’inquiéter, ce livre-ci a même ma préférence, principalement parce qu’il contient nettement moins cette redondance de violence gratuite que contenait Le gang des rêves.

On ne peut s’empêcher de faire des comparaisons entre les deux livres, Mercurio faisant penser à Christmas indéniablement, l’auteur reprend ce qui a fonctionné dans le livre précédent. Certains diront que c’est un défaut, mais après tout si cela nous touche tant et que c’est ce qu’on a apprécié, pourquoi ne pas en avoir encore et encore. Mercurio est également un enfant indépendant et débrouillard, qui va, avec sa gouaille et sa tchatche braver les situations les plus insolites pour notre plus grand plaisir. En même temps Les enfants de Venise se diffèrent sur bien des aspects. Si Le gang des Rêves avait un style Scorcesien, celui-ci m’a davantage fais penser Aux Salauds Gentilhommes, romans de Scott Lynch, Mercurio me faisant beaucoup pensé à Locke Lamora, pour mon plus grand bonheur, puisque cette série est également un coup de cœur.

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" La pression d'Anna s'arrêta, un instant. Puis elle recommença à l'attirer vers elle avec encore plus de chaleur. " Pose ta tête, mon garçon", murmura-t-elle.
Elle avait la même voix chaude que le soir où il avait fait sa connaissance, se dit Mercurio. " Où ?", demanda-t-il.
Anna se mit à rire. De cette manière gentille qui ne blessait pas.
"Sur mon épaule".
Mercurio pencha le cou, toujours raide. Il se dit que ce serait bien de fermer les yeux quand il sentit la main d'Anna qui lui caressait les cheveux. Mais il en était encore incapable. " Les habits de ton mari..., dit-il en levant la tête pour la regarder.
- Pose ta tête, l'interrompit Anna, en appuyant dessus pour la remettre sur son épaule. Tu ne sais pas parler avec la tête sur le côté ?"
Mercurio sourit. "
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J’ai particulièrement aimé l’aspect historique abordé par Luca Di Fulvio qui nous plonge cette fois dans une Venise de la renaissance. Ville de liberté pour le peuple Juif qui accoure des quatre coins du monde depuis le Xè siècle pour y trouver refuge (étant fort persécuté durant les croisades). A la période ou le livre se passe (1515-1516) on apprend qu’ils sont autorisés de résider en République de Venise mais sous certaines conditions tout de même. Ils doivent également porter un signe distinctif : un bonnet rouge (dans son roman Di Fulvio opte pour un bonnet jaune). Malgré une certaine tolérance de la part des Vénitiens, les Juifs essuient tout de même des discriminations, qui conduiront en 1516 à la création d’un Ghetto dans le quartier de Cannaregio.
Cette plongée dans Venise après y avoir été il y a peu m’a beaucoup plus, les différents décors présentés et décrits revêtant un aspect particulier puisque je pouvais facilement me les représenter.

Que serait un roman sans une belle histoire d’amour ? Di Fulvio opte cette fois pour un triangle amoureux. Tout démarre d’un amour impossible, une sorte de Roméo et Juliette. Mais impossible est un mot que Mercurio ne connait pas, cet amour sera le fil conducteur de ses aventures.
Même si ce triangle amoureux ne m'a pas dérangé, je ne l'ai pas trouvé extrêmement convaincant non plus. Il aurait pu ne pas être là, il sert surtout de prétexte à mettre davantage les battons dans les roues de notre jeune héros vers sa quête du bonheur.

L’auteur met en scène une pléthore de personnages, tous plus intéressants et charismatiques les uns que les autres, chacun possédants leurs zones d’ombres, mais surtout chacun agissant de manière logique par rapport à ce qu’ils vivent ou ont vécu. De cette manière, même les méchants deviennent attachants, c’est la force de l'auteur, il arrive à créer un passé fort à chacun de ses personnages, ce qui les rend si réalistes.
J’ai particulièrement été émue par la relation Mercurio/Anna, davantage que sa relation d’amour impossible avec Giuditta.

Benedetta, troisième pièce du triangle amoureux, est celle qui m’a le moins convaincue. Même si elle a su m’émouvoir légèrement à quelques moment, je l’ai trouvé tellement détestable (mais c’est le genre de personnage qu’on adore détester en fait), elle fait toujours les plus mauvais choix.

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"Je m'en fiche. Moi, je veux devenir riche", dit-il avec arrogance, en la défiant, soudain debout.
Anna réagit d'instinct. Elle se pencha par-dessus la table et lui donna une claque. "Je ne veux plus jamais t'entendre dire une bêtise pareille. Devenir riche, ça ne veut rien dire. Tu dois vouloir quelque chose qui nourrit le cœur. Ou tu mourras à l'intérieur. "
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Coup de cœur donc pour ce roman émouvant, prenant, traitant de thèmes tous plus intéressants les uns que les autres, des thèmes encore bien d’actualité telle que la discrimination, la misère, le deuil, le pouvoir de l’argent, la manipulation, la vengeance et la trahison, mais aussi l’amour, l’amitié, la bienveillance, le courage et la puissance incomparable contenue dans les rêves et la capacité qu’ont certains pour tout mettre en œuvre afin de les réaliser. Des thèmes que l'auteur aiment aborder visiblement car même s'il s'agit d'un autre contexte, c'est également autour de tout cela que gravitaient les personnages du Gang des rêves.
Un livre tellement fort qu’on aimerait que jamais il ne s’arrête, pour pouvoir rester encore un peu auprès de tous ces personnages plus vrais que nature, c’est le genre d’histoire qui laisse un grand vide une fois qu’on a tourné la dernière page.

Il me tarde de lire Le soleil des rebelles, autre fresque sociale se déroulant cette fois au Moyen-Âge.



Ce que j'ai préféré:
° Décors vénitien
° Contexte historique de 1515
° La plume de l'auteur
° Les péripéties et rebondissements
° Les personnages, et leur interactions/relations

Ce que j'ai moins aimé:
° Rien, un sans faute





L'AVIS DE MINET:
Encore une fois, Luca Di Fulvio offre une lecture addictive dès les premières pages ! Il ne faut pas plus de quelques chapitres pour se laisser entraîner par les héros en pleine Renaissance italienne, de Rome à Venise.
Difficile de ne pas faire de parallèle avec le Gang des rêves, le précédent livre de l'auteur auquel il semble intimement lié, bien qu'il se déroule à une autre époque, dans un autre lieu.
Un jeune homme au cœur pur malgré un environnement loin d'être tendre, essayant de se sortir de la misère grâce à sa débrouillardise et sa détermination, qui tombe éperdument amoureux d'une jolie Juive persécutée à cause de sa religion... Cela ressemble tant à Christmas et Ruth que cela a presque un parfum de réincarnation !
Dans un genre complètement différent, cela m'a aussi évoqué Les salauds gentilshommes de Scott Lynch. Camorr est après tout le pendant fantasy de Venise, et les travestissements de Mercurio ne sont pas sans rappeler ceux du génial Locke Lamora.
J'ai moyennement apprécié l'histoire d'amour au cœur du récit, et le triangle amoureux qui s'y rattache. Je préfère quand l'amour se construit avec lenteur plutôt que par coup de foudre, je trouve beaucoup plus crédible que les sentiments arrivent lorsqu'on apprend à connaître une personne, plutôt que de la voir et se dire immédiatement que notre destin va se retrouver lié au sien. Quant a triangle amoureux, je le trouve amené de façon peu subtile, même s'il se révèle avoir un vrai intérêt dans l'intrigue.
Aux relations amoureuses, j'ai préféré d'autres relations entre les personnages, notamment avec les personnages secondaires. J'ai eu un coup de cœur tout particulier pour la relation mère/fils de Mercurio et Anna, très touchante.
Et j'ai aimé l'absence de manichéisme chez les personnages. Tous, même les plus secondaires ou les antagonistes, évoluent, montrant tantôt un peu de blanc, tantôt davantage de noir, toujours en riches nuances de gris. (Mais pas cinquante, quand même. Désolée, il fallait que je la fasse.).
La violence est très présente dans le roman, mais elle m'a paru bien moins systématique et gratuite que dans le Gang des rêves (moins de viols, youhou !).
Si j'ai beaucoup apprécié cette lecture, j'ai quand même été plus embarquée dans le New York du Gang des rêves, qui m'avait vraiment fait vibrer.



Autre chronique de Luca Di Fulvio:

Commentaires

  1. Très sympa ta chronique, ça me donne envie de lire Les salauds gentilshommes ! XD Avant de lire ce livre à son tour ;)

    Vos avis se recoupent sur pas mal de points, c'est encourageant, même si comme Minet je suis pas très fan des romances à coup de foudre, surtout quand elles ont une telle importance dans l'histoire ^^

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